BRUCELLOSES
Maladies infectieuses dues aux bactéries du genre
Brucella. INTERET La brucellose (B) est une maladie cosmopolite. Ses relations avec
l'animal sont le plus souvent à l'origine du contage. La phase aiguë se doit
d'être reconnue afin de proposer un traitement adéquat et limiter le passage
vers une forme localisée ou chronique. PHYSIOPATHOLOGIE La brucellose est
une anthropozoonose touchant surtout le bétail. Primitivement décrite
dans le Bassin Méditerranéen, elle est actuellement connue dans le monde
entier. 3 espèces de Brucella sont pathogènes pour l'homme: - B melitensis La brucellose
humaine apparaît où sévit la brucellose animale. C'est ainsi que dans
certaines régions, jusqu'à 8% de la population exposée est atteinte. Les bovidés,
les ovins, les caprins et les porcins sont les espèces potentiellement
contaminantes pour l'homme mais d'autres espèces animales peuvent être
concernées. La Brucella en cause diffère selon l'espèce animale. * La contamination
directe est professionnelle (vétérinaire, éleveur, agriculteur,
berger, boucher...). La source de contamination peut être un produit
d'avortement ou de mise-bas, les sols et les fumiers, ou plus
rarement le contact de la viande et des viscères. La contamination est
possible en laboratoire ou lors de la manipulation du vaccin vivant.
La pénétration du germe est cutanéo-muqueuse, beaucoup plus rarement
conjonctivale ou respiratoire. * La contamination
digestive est le fait de l'alimentation: lait non-bouilli ou crème
non-pasteurisée, fruits et légumes crus, plus rarement consommation de viande
peu cuite. - La phase de
primo-invasion correspond à la dissémination hématogène du germe vers d'autres ganglions
et vers les organes du système réticulo-endothélial (foie, rate, tissu
osseux, génital...). Les foyers bactériens sont intracellulaires
entourés d'une réaction inflammatoire: il s'agit d'un granulome non-caséeux, très rarement
suppuré chez l'homme. La formation d'anticorps s'oppose à l'infection et
explique son apaisement même en l'absence de traitement. - Les brucelloses
focalisées subaiguës correspondent à l'évolution subaiguë des localisations
secondaires. - La brucellose chronique est l'expression chez le sujet guéri d'une sensibilisation
à l'endotoxine brucellienne provenant des
germes intracellulaires quiescents des foyers granulomateux résiduels. Les
mécanismes de cette sensibilisation sont encore mystérieux mais sont une hypersensibilité
immédiate ou retardée. Ces 3 phases déterminent des tableaux pouvant se
succéder ou même s'intriquer. CIRCONSTANCES
DE DECOUVERTE: la forme aiguë septicémique 1) Typiques Le mode de début est insidieux: malaise, courbature, asthénie, ou plus rarement plaie minime
et adénopathie satellite. La phase
d'état se définit par une fièvre sudoro-algique. a) Signes
fonctionnels Les sueurs sont
fréquentes, habituellement profuses et à prédominance nocturne. Elles ont
une odeur de paille mouillée caractéristique. Des douleurs musculaires, articulaires ou névralgiques mobiles et
fugaces les accompagnent. b) Signes
généraux Classiquement, la
fièvre est ondulante mais souvent découverte à son acmé: ascension par
paliers de 0,5°C jusqu'à 39°C où elle se maintient pendant 10 à 15j, puis
défervescence graduelle. Chaque clocher thermique est séparé du suivant par
une période d'apyrexie d'environ une semaine. En réalité, la fièvre prend plutôt un aspect rémittent, ou en
plateau, ou pseudo-palustre. c) Signes
physiques L'examen cherche
à prouver l'existence de foyers viscéraux: - en premier lieu, l'atteinte du système réticulo-endothélial: rate,
foie, ganglions superficiels 2) Atypiques La majorité des
brucelloses s'expriment sur un mode mineur: formes écourtées ou limitées,
formes pseudo-grippales. Parfois cependant, le tableau réalisé est proche de celui de la
typhoïde faisant parler de forme pseudoty-phoïdique. 3) Rares En dehors des localisations fréquentes à la phase aiguë déjà
décrites, citons l'endocardite infectieuse brucellienne
mutilante et l'insuffisance rénale brucellienne. Les brucelloses
focalisées subaiguës Elles succèdent à la phase septicémique initiale
lorsque celle-ci n'a pas été diagnostiquée ou qu'elle a été insuffisamment
traitée. De plus, le traitement le mieux conduit ne supprime pas totalement
le risque de brucellose subaiguë. 1) Les
localisations ostéo-articulaires La spondylodiscite ne diffère pas d'une
spondylodiscite infectieuse banale et atteint avec prédilection la colonne
lombaire. Les complications peuvent être un abcès migrant en avant du
rachis du type abcès froid, une compression médullaire ou radiculaire. Un tableau de sacro-iliite infectieuse peut s'accompagner d'une
irradiation S1 2) La
neuro-brucellose Ce peut être une méningo-myélo-radiculite, une méningo-encéphalite ou
une simplement une méningite à liquide clair. 3) Les
localisation hépatiques et spléniques Cliniquement, c'est la persistance des lésions au décours de
la phase septicémique. L'hépatite est une hépatite granulomateuse. La brucellose
chronique L'évolution capricieuse de la maladie explique que
cette phase peut succéder immédiatement ou de façon lointaine à une septicémie brucellienne, une brucellose
focalisée ou encore être inaugurale. Elle touche avec prédilection les sujets
soumis à des contacts antigènique fréquents.
Il faut tout de
même rechercher des foyers quiescents ou très peu évolutifs ou des
manifestations récidivantes d'allergie: Erythème noueux, hypodermite,
infiltrats pulmonaires labiles, iritis ou irido-cyclite, rhumatismes
inflammatoires. DIAGNOSTIC
POSITIF 1) Clinique Le diagnostic est simple à la phase septicémique devant un sujet
suspect de contage et présentant une fièvre sudoro-algique. Les phases subaiguës et
chroniques occasionnent des difficultés diagnostic mais on doit se souvenir
d'une possible brucellose devant une profession à risque. 2) La numération
formule plaquette, élément d'orientation Elle montre typiquement une leuco-neutropénie. 3) Diagnostic direct:
la mise en évidence du germe par les hémocultures La culture nécessite actuellement seulement 5 à 8 jours pour
pousser. Dans ce but, le laboratoire doit être averti de la possible
brucellose car, non seulement le germe est mis en culture en atmosphère
normale, mais aussi en atmosphère enrichie à 10% de CO2. 4) Diagnostic
indirect: le sérodiagnostic Les méthodes sont nombreuses et d'intérêt inégal. Elles ne
permettent pas le diagnostic de l'espèce en cause. a) La
séro-agglutination de Wright: méthode la plus employée Elle met en
évidence les immunoglobulines M dont le taux>1/80° correspond à une
brucellose évolutive récente. La réaction est positive dès le 12 ou 15°j,
son taux croît rapidement pour revenir à un taux non-significatif au
4-5°mois: il est donc négatif dans la brucellose chronique. Les faux négatifs
sont dus à des immunoglobulines A et immunoglobulines G bloquants. Un Coombs
indirect permet de les rechercher, et la dilution du sérum met
alors en évidence les immunoglobulines M. Les faux positifs sont possibles lors d'une autre maladie fébrile
(Yersinia, choléra...). b)
L'immunofluorescence indirecte Elle met en évidence soit les anticorps totaux, soit les
immunoglobulines M et les immunoglobulines G permettant de dater l'infection.
Le taux limite est fixé à 1/100 et est maximal vers le 3°mois. La
décroissance est lente, une positivité pouvant être observée lors de la
brucellose chronique. c) La réaction
de fixation du complément Elle est positive à partir d'un taux de 1/8, plus tardivement que les
2 autres réactions, mais plus longtemps que la réaction de Wright. + L'épreuve de
l'antigène tamponné, ou Card-test, ou épreuve au rose Bengale C'est une méthode d'agglutination rapide, spécifique et sensible,
restant positive très longtemps. Elle est très utile pour le dépistage
et les enquêtes épidémiologiques. 4) L'intra-dermo
réaction (IDR) à la mélitine de Burnet Sa pratique doit
toujours succéder aux prélèvements sérologiques car l'IDR peut s'accompagner
d'une élévation transitoire des anticorps sériques. L'injection intra-dermique
d'1/10° de ml de filtrat de culture de Brucella, ou mieux maintenant d'un
antigène PI (Phénol Insoluble), permet de tester l'hypersensibilité
retardée à l'antigène brucellien à la 48°h. La réaction est une induration érythémateuse parfois phlycténulaire.
Dans les cas les plus réactifs, une lymphangite avec adénopathie satellite, voire une réaction
thermique peuvent être observées. La réaction est
positive 3 à 4semaines après le début clinique, et le rester
définitivement témoignant d'un infection chronique. En pratique, les arguments diagnostic sont les
suivants: A la phase aiguë, numération formule plaquette,
hémocultures, sérodiagnostic de Wright et immunofluorescence indirecte (IFI)
dès le 10°j puis les autres réactions sérologiques. Dans les brucelloses focalisées,
isolement du germe à partir d'un foyer, réactions sérologiques, IDR à la mélitine. Dans la brucellose chronique, IFI surtout, IDR très fortement positive. DIAGNOSTIC
DIFFERENTIEL La maladie
présente un tel polymorphisme selon la phase qu'il serait fastidieux
d'exposer toutes les pathologies appartenant au diagnostic différentiel. EVOLUTION de la
phase aiguë 1) En l'absence
de traitement Les ondes fébriles deviennent de moins en moins intenses et de
plus en plus espacées. Une asthénie durable, avec sueurs
et instabilité thermique surtout à l'effort marquent cette
phase post-septicémique. 2) En cas de
traitement bien conduit L'antibiothérapie fait rapidement céder la symptomatologie après
toutefois une réascension thermique. Une rechute fait rechercher un
foyer profond. Il n'existe aucun critère permettant d'affirmer la
guérison: seul le recul clinique constitue un critère valable. TRAITEMENT 1) Buts Eradiquer Brucella. 2) Moyens L'antibiothérapie
ne fait pas encore l'objet d'un consensus. Les antibiotiques intracellulaires
sont à privilégier, les autres ne constituant qu'une thérapeutique d'appoint: - Les
tétracyclines semi-synthétiques (doxycycline et minocycline 200mg/j en une
prise) sont régulièrement efficaces - La rifampicine
a une action moindre et 10 à 20% des souches sont résistantes. La dose
quotidienne est de 15mg/kg/j. - L'association
Trimétroprime/Sulfametoxazone possède des indications du fait sa bonne
pénétration tissulaire. Les doses respectives sont de 320 et 1600mg/j. - Parmi les fluoroquinolones, la ciprofloxacine et l'ofloxacine sont
les meilleures et sont régulièrement actives. 3) Indications En cas de
brucellose aiguë sans focalisation osseuse ou viscérale, hépatosplénite
exceptée, l'association doxycycline/rifampicine pendant 45j est préconisée
du fait d'une bonne efficacité et d'une toxicité faible. La doxycycline
seule est possible. Un autre protocole obligatoire chez l'enfant de
moins de 8ans utilise l'association thimétroprine-sulfaméthoxazone
(TMP/SMZ) + rifampicine. En cas de focalisation
inaugurale ou subaiguë, surtout s'il s'agit d'une localisation osseuse, le
traitement est prolongé jusqu'à 3 ou 6mois. Dans le cas d'une
localisation neuro-méningée, l'association TMP/SMZ + rifampicine
est de mise d'abord par voie intra-veineuse. Une endocardite infectieuse est traitée
par les 3antibiotiques pendant 9 à 12semaines 4) Résultats et
surveillance L'association
d'antibiotiques présentée est celle préconisée par beaucoup. Ses résultats
sont satisfaisants et des traitement plus longs ne permettent pas de
supprimer les 4 à 5% de rechutes. La surveillance rejoint celle des effets secondaires des 2
antibiotiques: photosensibilisation pour les cyclines, fonction hépatique
pour la rifampicine. 5) Prévention La brucellose est
une maladie à déclaration obligatoire n°16. Dans certaines conditions,
elle devient une maladie professionnelle. La prévention de
la brucellose animale repose sur la surveillance sérologique des animaux d'élevage et
l'abattage des séropositifs. La vaccination est controversée car elle
est irrégulièrement efficace et perturbe le sérodiagnostic. Chez le sujet-contact, le port de gants et l'hygiène des
manipulations est de mise. On dispose de plus d'une vaccination par la
fraction PI. Le protocole est 2 sous-cutanées ou IM à 1 mois d'intervalle, 1 rappel à 1an
et à 5ans. L'efficacité est excellente. CONCLUSION La brucellose est
une maladie cosmopolite qui peut être divisée en 3 phases successives
relevant de mécanismes différents. Son diagnostic fait appel aux
hémocultures, aux techniques sérologiques et à l'IDR à la mélitine. Son traitement est
difficile: associatif et long, il ne met pas toujours à l'abri d'une rechute
ou d'une brucellose subaiguë. |