BRUCELLOSES

BRUCELLOSES


DEFINITION

Maladies infectieuses dues aux bactéries du genre Brucella.
Des termes équivalents sont: fièvre de Malte, fièvre ondulante méditerranéenne, mélitococcie.

INTERET

La brucellose (B) est une maladie cosmopolite. Ses relations avec l'animal sont le plus souvent à l'origine du contage. La phase aiguë se doit d'être reconnue afin de proposer un traitement adéquat et limiter le passage vers une forme localisée ou chronique.

PHYSIOPATHOLOGIE

La brucellose est une anthropozoonose touchant surtout le bétail. Primitivement décrite dans le Bassin Méditerranéen, elle est actuellement connue dans le monde entier. 3 espèces de Brucella sont pathogènes pour l'homme:

- B melitensis
- B abortus bovis
- B abortus suis

La brucellose humaine apparaît où sévit la brucellose animale. C'est ainsi que dans certaines régions, jusqu'à 8% de la population exposée est atteinte. Les bovidés, les ovins, les caprins et les porcins sont les espèces potentiellement contaminantes pour l'homme mais d'autres espèces animales peuvent être concernées. La Brucella en cause diffère selon l'espèce animale.

2 types de contamination sont rapportés mais soulignons que 90% des contaminations restent asymptomatiques:

* La contamination directe est professionnelle (vétérinaire, éleveur, agriculteur, berger, boucher...). La source de contamination peut être un produit d'avortement ou de mise-bas, les sols et les fumiers, ou plus rarement le contact de la viande et des viscères. La contamination est possible en laboratoire ou lors de la manipulation du vaccin vivant. La pénétration du germe est cutanéo-muqueuse, beaucoup plus rarement conjonctivale ou respiratoire.

* La contamination digestive est le fait de l'alimentation: lait non-bouilli ou crème non-pasteurisée, fruits et légumes crus, plus rarement consommation de viande peu cuite.

La période d'incubation de 1 à 2semaines correspond à la multiplication du germe dans le premier relais ganglionnaire rencontré. Elle est asymptomatique.

- La phase de primo-invasion correspond à la dissémination hématogène du germe vers d'autres ganglions et vers les organes du système réticulo-endothélial (foie, rate, tissu osseux, génital...). Les foyers bactériens sont intracellulaires entourés d'une réaction inflammatoire: il s'agit d'un granulome non-caséeux, très rarement suppuré chez l'homme. La formation d'anticorps s'oppose à l'infection et explique son apaisement même en l'absence de traitement.

- Les brucelloses focalisées subaiguës correspondent à l'évolution subaiguë des localisations secondaires.

- La brucellose chronique est l'expression chez le sujet guéri d'une sensibilisation à l'endotoxine brucellienne provenant des germes intracellulaires quiescents des foyers granulomateux résiduels. Les mécanismes de cette sensibilisation sont encore mystérieux mais sont une hypersensibilité immédiate ou retardée.

Ces 3 phases déterminent des tableaux pouvant se succéder ou même s'intriquer.

 

CIRCONSTANCES DE DECOUVERTE: la forme aiguë septicémique

1) Typiques

Le mode de début est insidieux: malaise, courbature, asthénie, ou plus rarement plaie minime et adénopathie satellite. La phase d'état se définit par une fièvre sudoro-algique.

a) Signes fonctionnels

Les sueurs sont fréquentes, habituellement profuses et à prédominance nocturne. Elles ont une odeur de paille mouillée caractéristique.

Des douleurs musculaires, articulaires ou névralgiques mobiles et fugaces les accompagnent.

b) Signes généraux

Classiquement, la fièvre est ondulante mais souvent découverte à son acmé: ascension par paliers de 0,5°C jusqu'à 39°C où elle se maintient pendant 10 à 15j, puis défervescence graduelle. Chaque clocher thermique est séparé du suivant par une période d'apyrexie d'environ une semaine.

En réalité, la fièvre prend plutôt un aspect rémittent, ou en plateau, ou pseudo-palustre.

c) Signes physiques

L'examen cherche à prouver l'existence de foyers viscéraux:

- en premier lieu, l'atteinte du système réticulo-endothélial: rate, foie, ganglions superficiels
- puis atteinte pulmonaire par la présence de râles bronchiques des bases, articulaire en particulier d'une sacro-iliaque, enfin orchite unilatérale.

2) Atypiques

La majorité des brucelloses s'expriment sur un mode mineur: formes écourtées ou limitées, formes pseudo-grippales.

Parfois cependant, le tableau réalisé est proche de celui de la typhoïde faisant parler de forme pseudoty-phoïdique.

3) Rares

En dehors des localisations fréquentes à la phase aiguë déjà décrites, citons l'endocardite infectieuse brucellienne mutilante et l'insuffisance rénale brucellienne.

Les brucelloses focalisées subaiguës

Elles succèdent à la phase septicémique initiale lorsque celle-ci n'a pas été diagnostiquée ou qu'elle a été insuffisamment traitée. De plus, le traitement le mieux conduit ne supprime pas totalement le risque de brucellose subaiguë.
Dans de rares cas, elles peuvent être inaugurales. Nous ne citerons que les localisations les plus fréquentes et montrant bien le polymorphisme de l'affection:

1) Les localisations ostéo-articulaires

La spondylodiscite ne diffère pas d'une spondylodiscite infectieuse banale et atteint avec prédilection la colonne lombaire. Les complications peuvent être un abcès migrant en avant du rachis du type abcès froid, une compression médullaire ou radiculaire.

Un tableau de sacro-iliite infectieuse peut s'accompagner d'une irradiation S1
Enfin, ce peut être une coxite appelée pseudo-coxalgie méditerranéenne.

2) La neuro-brucellose

Ce peut être une méningo-myélo-radiculite, une méningo-encéphalite ou une simplement une méningite à liquide clair.

3) Les localisation hépatiques et spléniques

Cliniquement, c'est la persistance des lésions au décours de la phase septicémique. L'hépatite est une hépatite granulomateuse.

La brucellose chronique

L'évolution capricieuse de la maladie explique que cette phase peut succéder immédiatement ou de façon lointaine à une septicémie brucellienne, une brucellose focalisée ou encore être inaugurale. Elle touche avec prédilection les sujets soumis à des contacts antigènique fréquents.


La clinique associe des manifestations essentiellement fonctionnelles: c'est la 'patraquerie brucellienne' avec asthénie physique, psychique et sexuelle, troubles du caractère, douleurs musculaires, névralgiques ou ostéo-articulaires, sueurs au moindre effort. L'examen est normal en dehors d'une fébricule.

Il faut tout de même rechercher des foyers quiescents ou très peu évolutifs ou des manifestations récidivantes d'allergie: Erythème noueux, hypodermite, infiltrats pulmonaires labiles, iritis ou irido-cyclite, rhumatismes inflammatoires.

 

DIAGNOSTIC POSITIF

1) Clinique

Le diagnostic est simple à la phase septicémique devant un sujet suspect de contage et présentant une fièvre sudoro-algique. Les phases subaiguës et chroniques occasionnent des difficultés diagnostic mais on doit se souvenir d'une possible brucellose devant une profession à risque.

2) La numération formule plaquette, élément d'orientation

Elle montre typiquement une leuco-neutropénie.
L'anémie et le syndrome inflammatoire sont discrets.

3) Diagnostic direct: la mise en évidence du germe par les hémocultures

La culture nécessite actuellement seulement 5 à 8 jours pour pousser. Dans ce but, le laboratoire doit être averti de la possible brucellose car, non seulement le germe est mis en culture en atmosphère normale, mais aussi en atmosphère enrichie à 10% de CO2.

4) Diagnostic indirect: le sérodiagnostic

Les méthodes sont nombreuses et d'intérêt inégal. Elles ne permettent pas le diagnostic de l'espèce en cause.

a) La séro-agglutination de Wright: méthode la plus employée

Elle met en évidence les immunoglobulines M dont le taux>1/80° correspond à une brucellose évolutive récente. La réaction est positive dès le 12 ou 15°j, son taux croît rapidement pour revenir à un taux non-significatif au 4-5°mois: il est donc négatif dans la brucellose chronique.

Les faux négatifs sont dus à des immunoglobulines A et immunoglobulines G bloquants. Un Coombs indirect permet de les rechercher, et la dilution du sérum met alors en évidence les immunoglobulines M.

Les faux positifs sont possibles lors d'une autre maladie fébrile (Yersinia, choléra...).

b) L'immunofluorescence indirecte

Elle met en évidence soit les anticorps totaux, soit les immunoglobulines M et les immunoglobulines G permettant de dater l'infection. Le taux limite est fixé à 1/100 et est maximal vers le 3°mois. La décroissance est lente, une positivité pouvant être observée lors de la brucellose chronique.

c) La réaction de fixation du complément

Elle est positive à partir d'un taux de 1/8, plus tardivement que les 2 autres réactions, mais plus longtemps que la réaction de Wright.

+ L'épreuve de l'antigène tamponné, ou Card-test, ou épreuve au rose Bengale

C'est une méthode d'agglutination rapide, spécifique et sensible, restant positive très longtemps. Elle est très utile pour le dépistage et les enquêtes épidémiologiques.

4) L'intra-dermo réaction (IDR) à la mélitine de Burnet

Sa pratique doit toujours succéder aux prélèvements sérologiques car l'IDR peut s'accompagner d'une élévation transitoire des anticorps sériques.

L'injection intra-dermique d'1/10° de ml de filtrat de culture de Brucella, ou mieux maintenant d'un antigène PI (Phénol Insoluble), permet de tester l'hypersensibilité retardée à l'antigène brucellien à la 48°h. La réaction est une induration érythémateuse parfois phlycténulaire. Dans les cas les plus réactifs, une lymphangite avec adénopathie satellite, voire une réaction thermique peuvent être observées.

La réaction est positive 3 à 4semaines après le début clinique, et le rester définitivement témoignant d'un infection chronique.

En pratique, les arguments diagnostic sont les suivants:

A la phase aiguë, numération formule plaquette, hémocultures, sérodiagnostic de Wright et immunofluorescence indirecte (IFI) dès le 10°j puis les autres réactions sérologiques.

Dans les brucelloses focalisées, isolement du germe à partir d'un foyer, réactions sérologiques, IDR à la mélitine.

Dans la brucellose chronique, IFI surtout, IDR très fortement positive.

DIAGNOSTIC DIFFERENTIEL

La maladie présente un tel polymorphisme selon la phase qu'il serait fastidieux d'exposer toutes les pathologies appartenant au diagnostic différentiel.

EVOLUTION de la phase aiguë

1) En l'absence de traitement

Les ondes fébriles deviennent de moins en moins intenses et de plus en plus espacées. Une asthénie durable, avec sueurs et instabilité thermique surtout à l'effort marquent cette phase post-septicémique.

2) En cas de traitement bien conduit

L'antibiothérapie fait rapidement céder la symptomatologie après toutefois une réascension thermique. Une rechute fait rechercher un foyer profond.

Il n'existe aucun critère permettant d'affirmer la guérison: seul le recul clinique constitue un critère valable.

TRAITEMENT

1) Buts

Eradiquer Brucella.

2) Moyens

L'antibiothérapie ne fait pas encore l'objet d'un consensus. Les antibiotiques intracellulaires sont à privilégier, les autres ne constituant qu'une thérapeutique d'appoint:

- Les tétracyclines semi-synthétiques (doxycycline et minocycline 200mg/j en une prise) sont régulièrement efficaces

- La rifampicine a une action moindre et 10 à 20% des souches sont résistantes. La dose quotidienne est de 15mg/kg/j.

- L'association Trimétroprime/Sulfametoxazone possède des indications du fait sa bonne pénétration tissulaire. Les doses respectives sont de 320 et 1600mg/j.

- Parmi les fluoroquinolones, la ciprofloxacine et l'ofloxacine sont les meilleures et sont régulièrement actives.

La désensibilisation à la mélitine ou à la fraction PI suit un protocole avec 4 flacons aux concentrations différentes: 0,1, 1, 10 et 100µg/ml. On injecte 0,1, puis 0,2, puis 0,3ml de la première solution... jusqu'à arriver à 1ml. Puis on passe à la solution suivante... etc...

3) Indications

En cas de brucellose aiguë sans focalisation osseuse ou viscérale, hépatosplénite exceptée, l'association doxycycline/rifampicine pendant 45j est préconisée du fait d'une bonne efficacité et d'une toxicité faible. La doxycycline seule est possible. Un autre protocole obligatoire chez l'enfant de moins de 8ans utilise l'association thimétroprine-sulfaméthoxazone (TMP/SMZ) + rifampicine.

En cas de focalisation inaugurale ou subaiguë, surtout s'il s'agit d'une localisation osseuse, le traitement est prolongé jusqu'à 3 ou 6mois.

Dans le cas d'une localisation neuro-méningée, l'association TMP/SMZ + rifampicine est de mise d'abord par voie intra-veineuse.

Une endocardite infectieuse est traitée par les 3antibiotiques pendant 9 à 12semaines
La désensibilisation est indiquée dans les formes chroniques sans foyers résiduels car l'antibiothérapie est inefficace.

4) Résultats et surveillance

L'association d'antibiotiques présentée est celle préconisée par beaucoup. Ses résultats sont satisfaisants et des traitement plus longs ne permettent pas de supprimer les 4 à 5% de rechutes.

La surveillance rejoint celle des effets secondaires des 2 antibiotiques: photosensibilisation pour les cyclines, fonction hépatique pour la rifampicine.

5) Prévention

La brucellose est une maladie à déclaration obligatoire n°16. Dans certaines conditions, elle devient une maladie professionnelle.

La prévention de la brucellose animale repose sur la surveillance sérologique des animaux d'élevage et l'abattage des séropositifs. La vaccination est controversée car elle est irrégulièrement efficace et perturbe le sérodiagnostic.

Chez le sujet-contact, le port de gants et l'hygiène des manipulations est de mise. On dispose de plus d'une vaccination par la fraction PI. Le protocole est 2 sous-cutanées ou IM à 1 mois d'intervalle, 1 rappel à 1an et à 5ans. L'efficacité est excellente.

CONCLUSION

La brucellose est une maladie cosmopolite qui peut être divisée en 3 phases successives relevant de mécanismes différents. Son diagnostic fait appel aux hémocultures, aux techniques sérologiques et à l'IDR à la mélitine. Son traitement est difficile: associatif et long, il ne met pas toujours à l'abri d'une rechute ou d'une brucellose subaiguë.

 

 

1