RICKETTSIOSES

 

RICKETTSIOSES


DEFINITION

Anthropozoonoses dues aux rickettsies, bactéries intracellulaires obligées, transmises par la morsure d'un arthropode vecteur jouant parfois le rôle de réservoir.

INTERET

Les rickettsioses au sens général du terme sont cosmopolites. En France, seule la fièvre boutonneuse méditerranéenne est rencontrée sur le mode endémique en période estivo-automnale. Les autres cas de rickettsioses sont des cas d'importation. Le polymorphisme clinique est à noter mais il existe des caractéristiques communes:

- sur le plan anatomique, une atteinte vasculaire prédominante
- en clinique, un tableau fébrile généralement exanthématique

NB: la fièvre Q due à Coxiella burnetti, longtemps comprise dans les rickettsioses, en est à présent exclue: en effet, il n'y a pas de transmission par les arthropodes ni d'éruption. Nous en dirons un mot à la fin de ce chapitre.

PHYSIOPATHOLOGIE

Les rickettsioses sont classées selon le vecteur, en sachant que puces et tiques transmettent les typhus et les acariens les fièvres pourprées, affections aux épidémiologie et symptomatologie différentes.

En premier lieu, il est nécessaire d'exposer l'épidémiologie commune des typhus; les épidémiologies particulières des fièvres pourprées seront exposées dans les parties correspondantes.

Les typhus sont dus à rickettsie prowasekii transmis par les déjections (et accessoirement par l'écrasement) du pou de corps: Pediculus humanus corporis. Il se contamine au contact de l'homme, seul réservoir, et peut longtemps être porteur de la bactérie. Les résurgences chez l'homme sont possibles. Bien qu'il existe des foyers géographiques précis, la maladie évolue surtout sur le mode épidémique dans des conditions de catastrophe naturelle, de famine ou de guerre.

Après pénétration cutanée, les rickettsies envahissent les endothéliums vasculaires en y déterminant une endothélite proliférante avec infiltrat lymphoplasmocytaire ou nécrosante: la lésion commune retrouvée est le nodule de Frankel. Ils protègent les micro-organismes pendant de longues périodes, expliquant la possibilité de récurrence.

Les typhus

1) Clinique: le typhus exanthématique (ou encore historique)

L'incubation varie de 1 à 3 semaines.

La phase d'invasion débute brutalement par des céphalées et des rachialgies intenses accompagnées d'une ascension thermique rapide avec frisson 'solennel'. En zone d'endémie, le diagnostic est classiquement évoqué quand existent un syndrome grippal associé à des trémulations linguales.

 

a) Signes fonctionnels

L'éruption apparaît à la défervescence thermique. Elle est constituée d'une poussée d'éléments maculopapuleux de taille variable prédominant sur le tronc et l'abdomen, respectant la face, les plantes et les paumes. Secondairement, l'exanthème peut devenir pétéchial voire hémorragique.

Dans le même temps, les conjonctives sont injectées, la langue et les lèvres fissurées.

+ On est frappé par la présence d'un tuphos (état de prostration, indifférence, inversion du sommeil souvent accompagnée de troubles psychiques le plus souvent nocturnes: on parle de 'délire tranquille').

b) Signes généraux

L'état général est fortement altéré avec: fièvre à 40°C, langue saburrale et parfois deshydratation.

c) Signes physiques

L'examen rapporte les éléments suivants:

- tension artérielle basse
- pouls non-dissocié
, contrairement aux fièvres typhoïdes
- hépato-splénomégalie

2) Diagnostic différentiel

Paludisme, salmonelloses ou viroses tropicales peuvent être discutées mais les borrélioses constituent le principal diagnostic différentiel en raison d'une même répartition géographique et de l'intervention des poux.

3) Evolution

La maladie dure 2semaines et la guérison est annoncée par une crise polyurique avec parfois recrudescence passagère des symptômes
Les complications, rares depuis les antibiotiques, sont en rapport avec l'endothélite et du type:

- complications myocardiques
- encéphalites
- gangrène d'origine artérielle
- thrombophlébite veineuse
- formes toxiniques avec CIVD

Les rechutes (maladie de Brill-Zinsser) connaissent une évolution bénigne.

4) Le diagnostic étiologique bactériologique (R : rickettsie)

 

Agent pathogène

Vecteur

Epidémiologie

Aspects cliniques

Fièvre des tranchées ou fièvre des 5j

R quintana

pou de corps

- décrite pendant la 1° guerre mondiale
- intérêt historique

- forme à minima où les arthralgies et tibialgies seraient évocatrices
- poussées exanthématiques tous les 5j

Typhus murin

R typhi

puce de rat noir

- zones portuaires en Europe
- commune dans les zones tropicales d'Afrique, d'Amérique et d'Asie

- forme à minima
- extension de l'exanthème à la plante et aux paumes, mais respectant toujours la face
- évolution grave chez le vieillard

'Nouveau typhus'

R canada

tique

- récemment décrite en Amérique du sud

- évolution grave

 

Les fièvres pourprées

1) la fièvre boutonneuse méditerranéenne

Elle est due à rickettsie conorii. Le vecteur-réservoir de bactéries est un tique, Rhipicephalus sanguineus, qui transmet l'agent pathogène à sa descendance. Les rongeurs sauvages constituent le 2°réservoir. Les mammifères comme l'homme et le chien sont des hôtes occasionnels.

La maladie est endémique dans le pourtour méditerranéen. En France, la maladie est rencontrée dans les régions méridionales, la vallée du Rhône, l'ouest lyonnais, la Bourgogne, la Franche-Comté et la Lorraine.

L'incubation est d'1semaine.

La phase d'invasion est similaire à celle de la fièvre exanthématique ou parfois plus progressive, montrant un tableau infectieux sans particularité.

Quoiqu'il en soit, l'examen clinique doit rechercher la morsure de l'acarien même dans les recoins les plus cachés de la peau: d'abord furoncle ou vésicule évoluant vers une croûte noire, lésions toujours accompagnées d'un pourtour érythémateux avec adénopathies satellite pendant une semaine. Elle peut être oculaire: conjonctivite, ecchymose et oedème palpébral. Le chancre d'inoculation manque dans 1/3 des cas.

a) Clinique

L'éruption survient précocement, pendant la phase d'invasion, et se manifeste par un érythème papulo-nodulaire débutant soit sur le tronc soit sur les membres, mais envahissant bientôt l'ensemble des téguments:

- les macules rosées initiales s'effaçant à la pression sont suivies au bout de 48h de papules cuivrées donnant leur nom à la maladie
- chaque papule va s'affaisser, s'entourant d'une fine desquamation et laissant transitoirement une zone pigmentée résiduelle
- plusieurs poussées se succèdent, les anciens éléments coexistant avec les nouveaux

b) Evolution

La guérison est obtenue en 8 à 10j, sans séquelle
Les possibles complications sont:

-         une myocardite
- une gangrène ou une phlébite
- un syndrome méningé, une encéphalite, une myélite
- une uvéite, une atrophie optique
+ hépatonéphrite avec méningoencéphalite

2) Les autres fièvres pourprées (R : rickettsie)

 

Agent pathogène

Vecteur

Epidém- iologie

Aspects cliniques

Fièvre à tique américaine

R rickettsii

tique Dermacentor

- Amériques du nord et Centrale, ainsi qu'au Brésil

- érythème débutant aux chevilles et aux poignets, secondairement généralisé et purpurique
- complications possibles en l'absence de traitement précoce

Rickettsial pox ou fièvre vésiculeuse

R akarii

gamasidés, acariens parasites des muridés

- Russie
- mines d'Afrique du sud
- maisons ayant un vide-ordures

- incubation longue
- éruption varicelliforme
- évolution très favorable

Scrub typhus ou typhus des broussailles

R tsutsugamuchii

larve hexapode des thrombididés

- récemment décrite en Amérique du sud

- symptomatologie peu différente de la fièvre boutonneuse méditerranéenne s'en différenciant par la présence de chancres d'inoculation multiples
- évolution parfois grave marquée par un exanthème généralisé parfois purpurique et une atteinte cardiopulmonaire

DIAGNOSTIC biologique

1) Eléments de suspicion

- polynucléose neutrophile modérée
- syndrome mononucléosique
+ thrombopénie dans la fièvre boutonneuse méditerranéenne
- faible hypertransaminémie

2) Eléments de certitude

a) Isolement des rickettsies : la culture sur milieu vivant

Celui-ci se fait par inoculation à l'animal ou sur oeuf embryonné de poule.

Il est aussi possible de mettre en oeuvre une visualisation directe des rickettsies par immunofluorescence directe au niveau des chancres d'inoculation ou des autres lésions cutanées biopsiées.

b) En pratique, le diagnostic est surtout sérologique par immunofluorescence indirecte


L'apparition des anticorps est précoce et l'on a fixé à 40 le seuil de positivité de la réaction.

- Elle est suivie d'une augmentation donnant vers le 15°j un taux de 1 280
- La stabilité est observée pendant quelques mois, puis la chute est très rapide
- A 1an, la positivité est attestée par un taux de 40

TRAITEMENT

1) Curatif

a) Buts

Eradiquer les rickettsies de l'organisme, ceci essentiellement pour éviter les complications graves et les récurrences.

b) Moyens et indications

Les tétracyclines sont utilisés en 1°intention (2°génération, doxycycline 200mg/j) pendant 15j.

Les autres antibiotiques actifs sur les formes intracellulaires (macrolides, rifampicine et fluoroquinolones) peuvent être utilisés en particulier chez l'enfant chez qui les tétracyclines sont contre-indiquées de principe.

Les récurrences sont traitées de façon prolongée.

L'héparinothérapie préventive sous-cutanée est justifiée chez le sujet âgé

c) Résultats

L'évolution naturelle est raccourcie par l'antibiothérapie. Cette dernière évite aussi les complications et les résurgences.

2) Prophylactique

* La prophylaxie collective consiste en la lutte contre les vecteurs (désinsectisation, débroussaillage) et contre les réservoirs (dératisation, traitement du bétail, des chiens... selon l'agent individualisé)

* La vaccination contre le typhus exanthématique est possible mais réservée aux seules épidémies

* En France, seul le typhus exanthématique est soumis à la déclaration obligatoire. Par contre, les rickettsioses contractées en laboratoire sont considérées comme des maladies professionnelles.


CONCLUSION

Les rickettsioses sont des maladies polymorphes mais possédant plusieurs points communs:

- un déterminisme vasculaire prédominant avec endothélite
- une infection aiguë pouvant donner lieu à des récurrences
- une phase d'invasion commune après incubation courte
- à la phase d'état, un tableau fébrile et exanthématique
L'intérêt de les regrouper vient d'un diagnostic biologique et d'un traitement communs

Fièvre Q ou coxiellose
AGENT PATHOGENE: Coxiella burnetraitementi. 2 phases antigéniques: phase I pathogène, phase II probablement contaminante

RESERVOIR: affection mondiale car de très nombreux mammifères sauvages ou domestiques servent de réservoir. De fait, certaines professions sont plus exposées.

MODE DE CONTAMINATION: voies aérienne, cutanée ou muqueuse, soit directement, soit par l'intermédiaire de poussières contaminées

PNEUMOPATHIE ATYPIQUE: pneumopathie fébrile avec atteinte respiratoire discrète alors que la radiographie pulmonaire est plus démonstrative. Evolution bénigne. Possibles complications.

FORME TYPHOÏDE: fièvre en plateau avec pouls dissocié et hépatomégalie. Evolution favorable mais parfois lente.

Endocardite infectieuse chronique: forme chronique après l'infection aiguë. EI sur valves lésées ou prothétiques à hémocultures négatives. Nombreuses atypies cliniques et paracliniques (écho). pronostic réservé mais fonction de la précocité du diagnostic: 35% de mortalité.

DIAGNOSTIC: Mise en évidence des anticorps:

- pneumopathie et forme typhoïde: anticorps anti-phase II avec immunoglobuline M

- Endocardite infectieuse: + anticorps anti-phase I, tout particulièrement de type immunoglobuline A considérés comme spécifiques.

traitement: tétracyclines, rifampicine, fluoroquinolones éventuellement associées par 2, pendant 2 à 3semaines. L'endocardite infectieuse requiert plusieurs mois de traitement. coxiella burnetti est globalement moins sensible aux antibiotiques.

 

 

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